Une nouvelle compréhension du noyau liquide de Mars publiée dans Nature
De nouveaux résultats de l’instrument de radioscience de la mission InSight de la NASA sur Mars sont publiés aujourd’hui dans la revue scientifique Nature. Grâce aux données accumulées au cours des deux premières années et demie de la mission, une équipe de planétologues provenant principalement de l’Observatoire royal de Belgique a mesuré avec précision la rotation de Mars. Ils ont ainsi détecté une signature qui ne peut s’expliquer que par la présence d’un noyau liquide. Ces variations de rotation fournissent des informations importantes sur l’intérieur profond de Mars.
En novembre 2018, la mission InSight de la NASA s’est posée avec succès dans la région d’Elysium Planitia, à la surface de Mars. Comme le suggère son acronyme (Interior exploration using Seismic Investigations, Geodesy, and Heat Transport), cette mission était la première du genre, dédiée à l’exploration de l’intérieur profond de Mars. InSight était équipé d’un sismomètre et d’un transpondeur de radio-science nommé RISE (Rotation and Interior Structure Experiment). La mission s’est achevée en décembre 2022.
L’expérience RISE a été spécialement conçue pour mesurer les nutations de Mars, c’est-à-dire les oscillations périodiques de l’axe de rotation dans l’espace. Sébastien Le Maistre, l’auteur principal, explique : « Le transpondeur RISE a la capacité d’établir une communication avec des radiotélescopes géants (parabole d’un diamètre de 70 m) sur Terre et de mesurer les plus infimes variations de la distance entre un atterrisseur sur Mars et la Terre, causées par les mouvements orbitaux et de rotation des deux planètes. Pour la première fois, nous avons détecté à une distance aussi grande, des centaines de millions de km, les oscillations de 40 cm dues à la présence du noyau liquide de Mars. Ces oscillations sont affectées par un comportement résonnant qui ne se produit que lorsque le noyau est liquide. »
Pour interpréter les données très précises de RISE, l’équipe a inclus des effets jusqu’ici négligés comme le bruit introduit par la propagation du signal radio à travers l’atmosphère de Mars. Elle a aussi pris en compte l’effet des tempêtes de poussière qui se sont produites juste avant et après l’atterrissage d’InSight, modifiant temporairement la vitesse de rotation de Mars. Rose-Marie Baland, qui étudie la rotation de la planète rouge, ajoute : « Nous avons inclus dans le modèle de rotation de Mars des contributions jusqu’ici négligées, telles que les nutations liées à l’attraction gravitationnelle des lunes martiennes Phobos et Deimos et les accélérations de la rotation et de la précession. Nous avons également amélioré l’estimation des corrections relativistes des variations de rotation. »
Les caractéristiques observées de la résonance fournissent de nouvelles informations sur la structure intérieure de Mars, confirmant certains des résultats obtenus avec le sismomètre embarqué sur InSight. Attilio Rivoldini, expert de l’intérieur de Mars, déclare : « Grâce à ces nouvelles données, nous avons déterminé le rayon du noyau liquide, ce qui confirme la valeur déduite des données sismiques, et estimé la différence de densité entre le manteau et le noyau. En outre, nous avons pu déterminer la forme du noyau, qui ne peut s’expliquer que s’il existe des anomalies de masse dans les profondeurs du manteau. Dans l’ensemble, ces nouveaux résultats augmentent nos connaissances sur la structure intérieure de Mars, sa formation et son évolution ultérieure. »
« La géodésie martienne est un des domaines de compétence des planétologues de l’Observatoire royal de Belgique. Avec le soutien de la Politique scientifique fédérale (BELSPO), nous avons développé LaRa (Lander Radioscience), un instrument similaire à RISE qui est prêt à voler, n’attendant que le prochain taxi pour Mars (ou ailleurs). Nous avons également contribué à plusieurs analyses de données obtenues avec des orbiteurs », explique Véronique Dehant, responsable de la direction opérationnelle Systèmes de référence et planétologie à l’Observatoire.
« Nous espérons que bientôt, en analysant l’ensemble des données de RISE, nous pourrons mieux contraindre non seulement l’intérieur, mais aussi la dynamique de l’atmosphère martienne et son interaction avec les calottes polaires de la planète », conclut Sébastien Le Maistre.
Voir aussi notre article publié (en anglais) dans le blog Behind the Paper de Nature : https://astronomycommunity.nature.com/posts/detection-of-tiny-variations-in-the-rotation-of-mars-used-to-characterize-its-liquid-core
Référence
Le Maistre, S., Rivoldini, A., Caldiero, A. et al. Spin state and deep interior structure of Mars from InSight radio tracking. Nature (2023). DOI: 10.1038/s41586-023-06150-0.
Voir aussi
https://www.astro.oma.be/fr/atterrissage-dinsight-mars-sur-le-point-de-reveler-ses-secrets/
https://www.astro.oma.be/fr/planete-mars-premiers-resultats-de-la-mission-insight-publies-dans-nature-geoscience/
https://www.astro.oma.be/fr/la-structure-interne-de-mars-revelee-par-les-donnees-sismiques-dinsight/
https://www.astro.oma.be/fr/les-proprietes-du-noyau-de-mars-revelees-par-les-ondes-seismiques-qui-le-traversent/