Nouvelle découverte de trou noir grâce au satellite Gaia
Bruxelles, 16 avril 2024 – L’Agence spatiale européenne (ESA) et les scientifiques du projet Gaia dévoilent aujourd’hui la découverte dans la Voie lactée d’un trou noir stellaire de masse élevée de 33 masses solaires. L’Observatoire royal de Belgique a contribué à cette découverte grâce aux données de vitesse radiale des étoiles qu’il a aidé à traiter.
Troisième trou noir découvert grâce à Gaia
Un trou noir stellaire résulte de l’effondrement d’une étoile massive à la fin de son existence et après avoir consommé tout son carburant. Gaia a repéré ce trou noir dans un système de deux étoiles liées par la gravité (système binaire). Ce système binaire est situé dans le halo intérieur de la Voie lactée : un nuage sphérique composé d’étoiles anciennes entourant le centre de la Galaxie. C’est le troisième trou noir stellaire découvert par Gaia, les deux premiers faisant également partie d’un système binaire.
Les données de Gaia montrent que ce système est composé d’une étoile géante et d’un trou noir d’une masse environ 33 fois celle du Soleil. Parce qu’il s’agit du troisième trou noir identifié grâce à Gaia, cette binaire extraordinaire a été baptisée Gaia BH3.
C’est en mars 2024 qu’une équipe internationale de près de 450 chercheurs collaborant dans le cadre du Gaia’s Data Processing & Analysis Consortium (DPAC) a réalisé la découverte. Le DPAC prépare actuellement la 4e version du catalogue Gaia prévue en 2026. Cinq instituts de recherche belges y contribuent grâce au financement de la Politique scientifique belge (BELSPO) : l’Observatoire royal de Belgique (ORB), l’Université de Leuven (KU Leuven), l’Université libre de Bruxelles (ULB), l’Université de Liège (ULiège), et l’Université d’Antwerp (UAntwerpen).
Une découverte confirmée par d’autres observations
La découverte d’un trou noir n’est pas impromptue. Les algorithmes traitant les données de Gaia sont notamment conçus pour repérer automatiquement les systèmes binaires en combinant les données obtenues sur plusieurs années. L’équipe DPAC de l’ULB a utilisé les données astronomiques et spectroscopiques pour estimer la masse et la luminosité des étoiles de ces systèmes. La nouvelle binaire identifiée, Gaia BH3, présente la particularité d’avoir une composante de luminosité nulle, mais une masse élevée d’environ 33 fois la masse du Soleil. Ces caractéristiques sont celles d’un trou noir stellaire. Les spectres haute-résolution de Gaia sont calibrés et traités afin de déduire à différentes époques les vitesses radiales (RV) des étoiles, en particulier celles de la composante visible de Gaia BH3. L’ORB, l’ULiège, et l’UAntwerpen contribuent activement aux mesures très précises de ces RVs.
Des travaux antérieurs ont démontré que la présence de trous noirs dans des systèmes binaires n’est pas surprenante en soi. En effet, au moins la moitié des étoiles de la Galaxie sont des systèmes binaires, voire multiples. Les composantes de ces systèmes gravitent autour du centre de masse du système, mais, en fonction de leur masse, elles n’évoluent pas toutes au même rythme.
L’existence du trou noir stellaire massif a été confirmée à l’aide d’observations réalisées au sol. Les équipes du DPAC ont combiné les spectres obtenus à l’aide trois télescopes européens à La Palma en Espagne (spectrographe Hermes au télescope Mercator de la KU Leuven), en France à l’observatoire de Haute-Provence (spectrographe Sophie), et au Chili (ESO : spectrographe UVES au Very Large Telescope). En particulier, Hermes est un spectrographe conçu pour la mesure de vitesses radiales de haute précision et dont le développement est le fruit de la collaboration de trois instituts belges (KU Leuven, ULB, ORB).
Un trou noir massif produit d’une étoile chaude pauvre en métaux
La théorie modélisant l’évolution des étoiles ne parvient pas encore à expliquer l’existence d’un trou noir aussi massif dans Gaia BH3. Un point important révélé par cette découverte et les spectres à haute résolution de Gaia est que la photosphère de l’étoile qui accompagne le trou noir n’est composée que de très peu de métaux. Il s’agit d’une étoile géante ancienne principalement composée d’hydrogène et d’hélium, typique de celles rencontrées dans le halo de la Galaxie. Cela confirmerait que les étoiles à l’origine de trous noirs stellaires massifs étaient elles aussi pauvres en métaux. Cette composition chimique particulière expliquerait qu’elles aient été plus compactes et aient perdu moins de matière qu’habituellement observé.
Les spectres Gaia indiquent aussi que l’étoile géante ancienne n’a pas été enrichie lors de l’explosion de son compagnon, avant la formation du trou noir. Cette découverte montre qu’un tel trou noir stellaire peut être produit par l’effondrement d’une étoile massive pauvre en métaux ayant évolué très différemment de ce que l’on observe habituellement dans la Galaxie.
Liens
Ces résultats sont décrits dans l’article intitulé « Discovery of a dormant 33 solar-mass black hole in pre-release Gaia astrometry by Gaia Collaboration » (Gaia Collaboration, P. Panuzzo et al.) publié aujourd’hui, 16 avril 2024, dans la revue Astronomy & Astrophysics : https://aanda.org/10.1051/0004-6361/202449763
Communiqué de presse de l’ESA : https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Gaia/Sleeping_giant_surprises_Gaia_scientists