Nouvel éclairage sur les mystérieuses explosions des hypergéantes jaunes

Nouvel éclairage sur les mystérieuses explosions des hypergéantes jaunes


Bruxelles, le 17 février 2025 – Une récente étude menée sur cinq ans a permis de mieux comprendre les propriétés des hypergéantes jaunes, une classe d’étoiles massives connues pour leurs explosions spectaculaires. Les scientifiques se sont concentrés sur Rho Cassiopeiae (Rho Cas), HR 8752 et HR 5171A. Ils montrent que Rho Cas présente des explosions cycliques tous les 10 à 40 ans, accompagnées d’importantes fluctuations de sa température de surface. Alex Lobel, de l’Observatoire royal de Belgique (ORB), a participé à cette étude internationale qui a combiné des données historiques couvrant 138 ans. Les résultats, publiés dans le journal Astronomy and Astrophysics, montrent que des pulsations vigoureuses déclenchent ces éruptions massives. Ils permettent également de mieux comprendre l’évolution rapide des hypergéantes jaunes et leur transformation potentielle en étoiles variables lumineuses bleues ou en supernovae explosives.

Les hypergéantes jaunes

Les hypergéantes sont parmi les étoiles les plus massives et les plus lumineuses de notre galaxie. Elles se caractérisent par des explosions récurrentes et spectaculaires qui ont intrigué les astronomes pendant des décennies. Les étoiles les plus importantes sont Rho Cassiopeiae, HR 8752 et HR 5171A. Elles sont dans les derniers stades de leur évolution rapide et offrent un aperçu unique du cycle de vie des étoiles très massives, aussi chaudes que le Soleil à la surface, mais jusqu’à un demi-million de fois plus lumineuses.

Diagramme de luminosité en fonction de la température dans lequel les étoiles sont regroupées en amas de couleurs différentes.

Diagramme de Hertzprung-Russell dans lequel les températures des étoiles (axe horizontal) sont représentées en fonction de leur luminosité (axe vertical, mesurée par rapport au Soleil dans ce diagramme). La position d’une étoile dans le diagramme fournit des informations sur son stade actuel et sa masse. Les étoiles qui brûlent de l’hydrogène en hélium se trouvent sur la branche diagonale, la séquence principale dont le Soleil fait partie. Lorsqu’une étoile a épuisé tout son hydrogène, elle quitte la séquence principale et devient une géante rouge, une supergéante ou une hypergéante, en fonction de sa masse. Les étoiles de la masse du Soleil qui ont brûlé tout leur combustible évoluent finalement vers une naine blanche (coin inférieur gauche). Certaines supergéantes jaunes évolueront en Variables lumineuses bleues, des hypergéantes plus chaudes qui ont la même luminosité. Crédit : ESO (annoté par L. B. S. Pham).

L’étude des hypergéantes offre aux astronomes un éclairage rare sur la fin de vie des étoiles massives. En particulier, nous avons un aperçu de la phase qui précède leur transformation en supernovae à effondrement de cœur ou en une autre classe d’hypergéantes plus chaudes appelées « variables lumineuses bleues ». Cette transition se produit lorsque les hypergéantes jaunes évoluent rapidement à travers ce que l’on appelle le vide évolutif jaune dans la partie supérieure du diagramme de Hertzsprung-Russell de la température stellaire en fonction de la luminosité. La compréhension des éruptions et des pulsations récurrentes des hypergéantes jaunes aide les astronomes à affiner les modèles théoriques des stades avancés de l’évolution stellaire et à améliorer la compréhension des phénomènes d’éruptions stellaires cycliques.

Une équipe internationale

La nouvelle étude, menée au cours des cinq dernières années par une équipe de scientifiques des Pays-Bas (Université de Leiden), de Belgique (ORB) et du Royaume-Uni (Université de Durham), intègre également des données fournies par des astronomes amateurs du monde entier. L’équipe s’est concentrée sur Rho Cas, l’une des hypergéantes les plus étudiées à l’œil nu, en analysant la variabilité à long terme de la luminosité entre 1885 et 2023. Ce vaste ensemble de données leur a permis d’étudier ses propriétés physiques exceptionnelles, ainsi que l’apparition et la progression de trois grandes explosions de l’atmosphère de l’étoile en 1986, 2000 et 2013.

Une grande sphère jaune avec des couches nuageuses autour

Vue d’artiste de l’étoile hypergéante jaune Rho Cassiopeiae, autour de laquelle se forment des coquilles de gaz en raison des explosions récurrentes observées au cours des 130 dernières années.
Crédit : Alex Lobel. Source : https://brass.heliohost.org/alobel/rhocas/RhoCasArt2025.png

Ces observations à long terme révèlent un schéma fascinant : Rho Cas entre dans un cycle d’éruptions atmosphériques tous les 10 à 40 ans environ. Lors de chaque éruption, la température de surface varie de ~4500 à 7500 °C. Ces nouvelles découvertes offrent une occasion unique de suivre une étoile très massive au milieu de changements évolutifs accélérés.

Éruptions d’hypergéantes

Pour la première fois, l’équipe a calculé des relations de calibration de température précises basées sur des données spectroscopiques fiables, combinées à des observations photométriques entre 1962 et 2020. Cette nouvelle méthodologie permet une analyse plus précise de ces étoiles extrêmes, en particulier du comportement dynamique de leurs énormes atmosphères (les hypergéantes jaunes ont des diamètres de 400 à 700 fois celui du Soleil).

L’étude révèle que les pulsations de Rho Cas deviennent plus intenses à l’approche d’une explosion. Plus précisément, les périodes de pulsation observées dans la courbe de luminosité en bande V (ou visible) de l’hypergéante s’allongent et l’amplitude des pulsations augmente au cours des années précédant une éruption. Cela indique que les fortes pulsations radiales jouent un rôle crucial dans le déclenchement des éruptions récurrentes, qui se sont produites six fois au cours des 138 dernières années, avec des intervalles de temps de 10, 41, 40, 14 et 13 ans. Selon le Dr Lobel, co-auteur de cette étude : « C’est la première fois qu’une étude approfondie est réalisée avec pratiquement toutes les données historiques disponibles sur le Rho Cas que nous avons recueillies dans la littérature, en remontant jusqu’au 19e siècle. De plus, nous avons pu y associer de nouvelles observations, y compris des contributions précieuses d’astronomes amateurs ».

Un clip vidéo (animation) d’une minute sur l’hypergéante jaune Rho Cassiopeiae peut être visionné ici en français, néerlandais et anglais. Crédit : Alex Lobel (partagé sous une licence CC BY—NC-SA 4.0 International). Source: https://brass.heliohost.org/alobel/pressrel2025.html

Les scientifiques ont également étudié deux autres hypergéantes jaunes notoires, HR 8752 et HR 5171A. HR 8752 a évolué vers le bleu après 1996, et sa luminosité visuelle est restée pratiquement constante entre 2017 et 2023. HR 5171A a repris ses pulsations au début de l’année 2018 après une période de déclin progressif de sa luminosité.

La nouvelle étude et les nouvelles observations sont significatives, car elles fournissent des informations importantes sur l’évolution accélérée des hypergéantes jaunes. Dans l’ensemble, elles améliorent non seulement notre compréhension des étoiles extrêmes, telles que Rho Cas et ses éruptions récurrentes, mais contribuent également à une connaissance plus large des hypergéantes jaunes, de leur variabilité et de leur importance dans le domaine de l’évolution stellaire.

Publication

Astronomy & Astrophysics, 2025, 694, A136
https://doi.org/10.1051/0004-6361/202449384
Titre:
Investigation of the pulsations, outbursts, and evolution of the Yellow Hypergiants: Rho Cas, HR 8752, HR 5171A, with notes on HD 179821
Auteurs:
M. van Genderen (1), A. Lobel (2), R. Timmerman (3, 4), E. R. Deul (1), A. Vos (1), H. Nieuwenhuijzen† (5), E. J. van Ballegoij (6), M. Sblewski (7), G. W. Henry (8), E. Blown (9), and G. Di Scala (10,11)

Affiliations:
(1) Leiden Observatory, Leiden University, Einsteinweg 55, Postbus 2333 CC Leiden, The Netherlands
(2) Observatoire royal de Belgique, Ringlaan 3, 1180 Bruxelles, Belgique,
(3) Centre for Extragalactic Astronomy, Department of Physics, Durham University, Durham DH1 3LE, UK
(4) Institute for Computational Cosmology, Department of Physics, Durham University, South Road, Durham DH1 3LE, UK
(5) SRON Laboratory for Space Research, Sorbonnelaan 2, 3584 CA Utrecht, The Netherlands
(6) KNWS Werkgroep Veranderlijke Sterren, De Rogge 6, 5384 XD Heesch, The Netherlands
(7) Esschenstrasze 36 in 15344 Strausburg, Germany
(8) Tennessee State University, Nashville, TN, 37200, USA
(9) 20 Cambridge Terrace, Masterton 5810, New Zealand
(10) Carner Hill Observatory, 9 Joshua Moore Drive, Horningsea Park, 2171, Sydney, Australia, and Astronomical Association of Queensland, Brisbane, Australia
(11) Astronomical Association of Queensland, Brisbane, Australia