Lancement de Proba-3 le 4 décembre

Lancement de Proba-3 le 4 décembre


ASPIICS à bord de Proba-3 – La recherche scientifique belge dans l’ombre d’un satellite

Proba-3 est la toute nouvelle mission de l’ESA qui sera lancée le 4 décembre 2024. Proba-3 n’est pas un mais deux satellites qui évolueront en formation en orbite autour de la Terre. Pendant chaque orbite, un des satellites projettera pendant environ 6 heures son ombre sur le deuxième, permettant à ce dernier d’observer une éclipse solaire artificielle. Lors d’une éclipse de soleil, l’atmosphère de ce dernier (appelée couronne solaire) devient visible. L’exploitation de ASPIICS, un instrument qui observe la couronne solaire est entre les mains de l’Observatoire royal de Belgique (ORB) qui assumera également la coordination des recherches scientifiques.

Une éclipse de soleil artificielle

Un des satellites emporte un disque qui occulte le Soleil, comme la Lune le fait vis-à-vis de la Terre pendant une éclipse naturelle. Le deuxième satellite comporte l’instrument ASPIICS, l’Association of Spacecraft for Polarimetric and Imaging Investigation of the Corona of the Sun, qui profite de ces éclipses artificielles pour produire des images de la couronne du Soleil.

Illustration des deux satellites PROBA-3 volant en formation avec la Terre en arrière-plan en bas à gauche.

Credit: ESA – P. Carril

Combler un angle mort

Andrei Zhukov (ORB), chercheur responsable d’ASPIICS : « Depuis l’espace, il n’est pas possible de d’observer la couronne solaire en lumière visible entre 1.25 et 2.5 rayons solaires car la technique n’est pas disponible. »

Pendant une éclipse de soleil totale naturelle, cette région est observable. En effet, depuis la Terre, la taille apparente du Soleil et de la Lune est la même, et la Lune cache parfaitement le Soleil. Mais une éclipse solaire est un événement relativement rare, ne dure que quelques minutes et n’est observable que si la météo le permet. Les éclipses ne sont aussi visibles que depuis une zone géographique limitée, qui n’est pas toujours facilement accessible.

Image du Soleil au milieu d'un disque noir. Les rayons du soleil sortent du disque noir.

ASPIICS fera des observations de la zone entre le carré bleu et le cercle bleu, entre 1.099 et 3 rayons solaires.
En rouge, un cliché en lumière blanche de la couronne par l’instrument LASCO/C2 à bord du satellite SOHO. L’image jaune en lumière ultraviolette extrême a été prise par le télescope SWAP à bord de Proba-2.

Andrei poursuit : « L’objectif de Proba-3 est bien d’imiter une éclipse totale de Soleil naturelle qui durerait plus que quelques minutes. C’est possible lorsque le plus petit des deux satellites, vu depuis l’autre, cache exactement le Soleil pendant une période prolongée. À une distance de 144 mètres, la dimension apparente du disque à bord du satellite occulteur est à peine plus gros que le Soleil. À cette distance, l’ombre du disque est de 7.5 cm. Le diamètre d’entrée du télescope sur le second satellite est de 5 cm et doit se trouver exactement dans l’ombre du disque pour reproduire une éclipse de Soleil. Pour cela, les deux satellites doivent voler en formation avec une précision de l’ordre du millimètre. C’est un défi technologique énorme. »

En orbite terrestre

Proba-3 va être lancé sur une orbite elliptique autour de la Terre. Ce n’est que sur la partie de l’orbite la plus éloignée, c’est-à-dire l’apogée, que les satellites seront configurés en vol en formation. Dans cette phase de leur orbite, il est en effet plus facile, pour les deux satellites, de rester en formation à cause de leur vitesse plus faible. Le vol en formation est réalisé à l’aide de propulseurs et nécessite du carburant. La quantité de carburant embarquée à bord d’un satellite est bien entendu limitée et des compromis ont dû être faits. Proba-3 parcourt son orbite autour de la Terre en 20 heures. Le compromis trouvé est que les satellites voleront en formation pendant 6 heures, plusieurs fois par semaine. La quantité de carburant a donc été calculée pour une durée de mission de deux ans.

Andrei Zhukov : « Nous avons du carburant pour environ 1000 heures de vol en formation et observerons avec ASPIICS la faible lueur de la couronne solaire pendant 6 heures consécutives, et ce, deux fois par semaine. C’est 100 fois plus long qu’une éclipse totale naturelle observée depuis la Terre, qui elle ne dure que quelques minutes. »

Le souci du détail

Une image d’ASPIICS est en réalité un assemblage de trois clichés. La région de l’atmosphère solaire la plus proche du Soleil est photographiée avec un temps de pause plus court que les régions moins brillantes et plus éloignées du Soleil. De cette manière, chaque région de l’atmosphère solaire peut être observée clairement et avec le meilleur contraste.

Les chercheurs soupçonnent que les réponses à plusieurs questions scientifiques importantes résident dans les détails de ces images. Ils veulent savoir où et comment le vent solaire prend sa source et accélère, comment les éjections de masse coronale ou les protubérances solaires s’échappent vers le milieu interplanétaire. Ils espèrent également recueillir plus d’informations sur les processus physiques qui expliquent pourquoi l’atmosphère du Soleil atteint plusieurs millions de degrés alors que la température de la surface est de quelques milliers de degrés à peine.

Du concept au lancement

Le concept de la mission Proba-3 est né il y a 20 ans et a démarré par des d’études réalisées par l’industrie spatiale française et une première proposition d’instrument en 2009. En 2014, le projet s’est accéléré lorsque Andrei Zhukov de l’Observatoire royal de Belgique (ORB) est devenu le nouveau scientifique responsable et que le Centre Spatial de Liège (CSL) a reçu l’autorisation de construire l’instrument. À l’ORB, une équipe de scientifiques, ingénieurs et développeurs informatiques a été mise en place. Ces experts déterminent comment et quand ASPIICS doit observer, traiter les données et les préparer pour une exploitation scientifique. Le logiciel utilisé pour cela est très spécifique et est donc taillé sur mesure pour ASPIICS. Tout cela est en préparation depuis des années. L’équipe est désormais prête à réaliser les premiers tests de l’instrument après le lancement, et à passer à la phase opérationnelle après 4 mois. Les premières images d’ASPIICS devraient alors montrer que l’expérience a réussi.

Un terrain de jeu pour scientifiques

Andrei Zhukov : « Dès que j’ai entendu parler de ce projet, j’ai été très enthousiaste. J’ai eu l’occasion de collaborer avec des spécialistes de renom du monde entier, des scientifiques qui ont une longue expérience en missions spatiales, avec des ingénieurs et des développeurs informatiques extrêmement talentueux. Tous ensemble, nous essayons d’améliorer les techniques d’observation actuelles. Nous espérons également que les éclipses de 6 heures que nous observerons constituerons des données scientifiques uniques. Le meilleur est à venir ! »

Un travail d’équipe pour réaliser un rêve

En Belgique, ASPIICS a été construit par :

  • Un consortium dirigé par le Centre Spatial de Liège (CSL) comprenant 15 entreprises et instituts de cinq états membres de l’ESA
  • OIP Sensor Systems (Oudenaarde) en tant que sous-traitant de CSL était responsable de la conception et du développement du Focal Plane Assembly (FPA) d’ASPIICS et du Camera Electronic Box (CEB)
  • Andrei Zhukov (Observatoire royal de Belgique) est le scientifique responsable d’ASPIICS et dirige l’équipe scientifique internationale qui a contribué au développement.

Le financement de la Politique Scientifique Fédérale Belge (Belspo) via les programmes PRODEX et GSTP de l’Agence Spatiale Européenne a été capital.

Autres instruments scientifiques sur Proba-3 et contribution belge :

  • DARA, un radiomètre, est sous la responsabilité de l’Institute Suisse PMOD. Andrei Zhukov et Marie Dominique (Observatoire royal de Belgique) font partie de l’équipe scientifique.
  • 3DEES étudie les particules énergétiques. Un chercheur de l’UCL en est le responsable scientifique. L’Institut royal d’Aéronomie Spatial de Belgique et Redwire Space font partie du consortium 3DEES.