Des variations de la pesanteur causées par la transpiration des arbres
Une étude belgo-française a mis en évidence des variations de la pesanteur causées par la transpiration des arbres, constituant une première mondiale quant à la mesure directe de ce phénomène.
Lors de journées d’été ensoleillées, les sols et arbres relâchent par évaporation et transpiration une quantité importante d’eau dans l’atmosphère. Ce processus, appelé « évapotranspiration », proche de zéro la nuit, s’accroît fortement au lever du soleil, atteint un maximum à midi et se réduit au coucher de l’astre du jour. Les mesures de la pesanteur ont permis de mesurer cet effet.
Chaque arbre rejette plusieurs centaines de litres d’eau par jour dans l’atmosphère. C’est cette perte de masse que l’étude a pu mesurer à l’aide d’un gravimètre à supraconductivité, à la station géophysique de Membach, près d’Eupen en Belgique. Les variations de l’accélération de la pesanteur qui ont été estimées sont inférieures au nanomètre par seconde au carré, ou, en d’autres mots, au dixième de milliardième de g (10-10 g ; g = 9.81 m/s²).
En interprétant les variations de pesanteur, les chercheurs ont trouvé qu’en moyenne, la forêt qui surplombe la station de Membach rejette dans l’atmosphère l’équivalent de 1.7 litre d’eau par mètre carré chaque jour ensoleillé de juin.
La quantité d’eau perdue par évapotranspiration de la végétation est un paramètre très difficile à mesurer ; il est pourtant primordial de le connaître pour la gestion des écosystèmes et des ressources en eau. C’est une donnée également indispensable dans la modélisation des climats.
Cette étude est le fruit d’une longue collaboration entre l’Observatoire royal de Belgique et les universités de La Rochelle, de Liège, de Mons, Paris Diderot, l’université Catholique de Louvain, et l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière français (IGN).
Le travail sera publié dans la revue de haut niveau Geophysical Research Letters
(Direct measurement of evapotranspiration from a forest using a superconducting gravimeter, September 2016, DOI: 10.1002/2016GL070534) par :
1. Michel Van Camp (Sismologie-Gravimétrie, Observatoire Royal de Belgique) ;
2. Olivier de Viron (Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs), U. La Rochelle et CNRS) ;
3. Gwendoline Pajot-Métivier (Institut Géographique National & U. Paris Diderot) ;
4. Fabien Casenave (Institut Géographique National & U. Paris Diderot) ;
5. Arnaud Watlet (Géologie fondamentale et appliquée, U. Mons & Sismologie-Gravimétrie, Observatoire Royal de Belgique) ;
6. Alain Dassargues (Hydrogéologie et Géologie de l’Environnement ArGEnCo, U. Liège) ;
7. Marnik Vanclooster (Earth and Life Institute, Université Catholique de Louvain).
Baisse de pesanteur liée à l’évapotranspiration de la forêt autour de la station de Membach : lors des journées ensoleillées de juin, la pesanteur baisse en moyenne chaque jour de 0.7 nm/s² (ou 7 centièmes de milliardième de g), ce qui est équivalent à une perte de 1,7 litre d’eau par m².
Le gravimètre à supraconductivité, installé à l’extrémité d’une galerie longue de 140 m de long, excavée sous la Forêt ducale (« Hertogenwald »), entre les barrages d’Eupen et de la Gileppe.
Depuis 1995, cet instrument mesure en continu les variations de pesanteur g avec une précision de quelques centièmes de milliardièmes. Dans ce gravimètre, une sphère lévite dans un champ magnétique engendré par les courants permanents circulant à l’intérieur de deux bobinages. L’ensemble, rendu supraconducteur et maintenu à une température de –269 °C (ou 4 K), assure une grande stabilité qui permet de mesurer les variations temporelles de la pesanteur g avec grande précision (photo : Marc Seil).