Dioné, une lune de Saturne, abrite un océan souterrain
Dioné, une lune de Saturne, recèle un océan d’eau liquide sous sa surface, d’après les données fournies par la mission Cassini. Cette découverte place cette lune au même rang que Titan et Encelade, deux autres lunes de Saturne possédant aussi des océans souterrains.
Des chercheurs de l’Observatoire royal de Belgique ont montré que les données gravitationnelles de Cassini suggèrent l’existence d’un océan situé à 100 kilomètres sous la surface de Dioné. L’océan a une profondeur de plusieurs dizaines de kilomètres et entoure le noyau rocheux. Vue de l’intérieur, Dioné ressemble beaucoup à son petit voisin Encelade, devenu célèbre pour ses geysers observés depuis 10 ans par Cassini. Dioné semble calme pour l’instant, mais les fractures de sa surface témoignent d’un passé agité. Ces résultats sont publiés en ligne cette semaine dans la revue américaine Geophysical Research Letters.
Pour expliquer les mesures faites par Cassini, les scientifiques modélisent les coquilles de glace d’Encelade et de Dioné comme d’immenses icebergs partiellement immergés, de sorte que chaque montagne de glace est supportée par une quille sous-marine. C’est le principe de l’isostasie. Les modèles précédents prédisaient une croûte très épaisse pour Encelade, et aucun océan pour Dioné. « Comme principe supplémentaire, nous avons supposé que la croûte de glace supporte juste le minimum de tension et de compression nécessaires pour maintenir le relief de sa surface», déclare Mikael Beuthe, le premier auteur de l’étude. « Soumise à une plus grande tension, la croûte se briserait en mille morceaux», dit-il.
Selon cette nouvelle étude, l’océan d’Encelade est proche de la surface, en particulier dans la région du pôle sud, où l’eau alimentant les geysers ne traverserait que quelques kilomètres de croûte. Ces résultats sont en accord avec la découverte par Cassini de variations périodiques de la rotation d’Encelade. Cette oscillation, appelée libration, serait bien plus petite si la croûte était plus épaisse. Quant à Dioné, elle contient un océan profond séparant la croûte du noyau. Selon Antony Trinh, co-auteur de l’étude, Dioné subit aussi une libration, mais celle-ci est trop faible pour être détectée par Cassini. « Une mission consacrée aux lunes de Saturne, lors de laquelle une sonde orbiterait successivement autour de plusieurs satellites, peut vérifier cette prédiction», ajoute-t-il.
L’océan de Dioné existe sans doute depuis le début de l’histoire de cette lune. Il constituerait ainsi une zone potentiellement habitable pour une vie microbienne durable. « Le contact entre l’océan et le noyau rocheux est crucial », commente Attilio Rivoldini, co-auteur de l’étude. « L’interaction entre l’eau et la roche fournit des sels minéraux ainsi qu’une source d’énergie, qui sont tous deux des ingrédients essentiels à la vie. » L’océan de Dioné est trop profond pour y avoir un accès aisé, mais Encelade ainsi qu’Europa, une lune de Jupiter, nous facilitent la tâche en éjectant des échantillons dans l’espace, prêts à être recueillis par une sonde de passage.
Le club des mondes océaniques — lunes ou planètes abritant un océan souterrain — s’élargit à chaque mission vers le système solaire extérieur. Trois mondes océaniques tournent autour de Jupiter, trois autres autour de Saturne, et Pluton pourrait aussi faire partie du club, selon les nouvelles observations de la sonde New Horizons. La nouvelle approche développée dans cette étude est un outil prometteur pour étudier ces mondes, à condition toutefois que nous connaissions leur forme et leur champ gravitationnel. «Les prochaines missions concernant les mondes de glace visiteront les lunes de Jupiter, mais nous devons absolument explorer les satellites d’Uranus et de Neptune», souligne Mikael Beuthe.
Cette recherche a été financée par la Politique Scientifique Fédérale Belge dans le cadre des programmes de recherche Brain-be Pioneer, ESA-PRODEX et un crédit de Chercheur Supplémentaire.
L’article original :
Mikael Beuthe, Attilio Rivoldini and Antony Trinh, “Enceladus’ and Dione’s floating ice shells supported by minimum stress isostasy”, Geophysical Research Letters, publié en ligne. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/2016GL070650/abstract
Auteur correspondant :
Mikael Beuthe
+32 (0) 2 373 67 71
mikael.beuthe@observatoire.be
Personne de contact à l’Observatoire royal de Belgique :
Lê Binh San PHAM
+32 (0) 2 790 39 81
lebinhsan.pham@oma.be